Enseignement
 

4. Le corps, dernière zone de visibilité de l’oeuvre dans le réel

A. L’ancrage de la norme anthropologique dans le réel B. Seconde interactivité et déplacements sensoriels du corps


III- Le corps, dernière zone de visibilité de l’œuvre dans le réel

« « Donnez-moi donc un corps » : c’est la formule du renversement philosophique. Le corps n’est plus l’obstacle qui sépare la pensée d’elle-même, ce qu’elle doit surmonter pour arriver à penser. C’est au contraire ce dans quoi elle plonge ou elle doit plonger, pour atteindre à l’impensé, c’est-à-dire à la vie. » Gilles Deleuze, L’image-temps, Paris, Ed de minuit, 1985, p. 246.

Le fil conducteur qui nous a permis jusqu’ici de penser synchroniquement le modèle numérique et le modèle analogique ne pouvait être que le corps percevant. Non pas parce qu’il est un intermédiaire entre l’espace virtuel et l’espace réel, mais parce que l’image virtuelle numérique, en tant que simulation de l’espace perçu, convoque exactement les mêmes capacités sensorielles que celles que nous déployons devant une image qui adhère physiquement au réel. La seule différence, et qui n’est pas des moindres, réside dans une différence de statut : là où les mouvements de notre regard ou les déplacements de notre corps devant une peinture, une sculpture, une photographie vont trouver dans la présence indicielle de l’œuvre des points d’accroche permettant à notre imagination de s’activer et de re-vivre le passé de l’artiste et de son sujet, notre comportement tactilo-visuel face à l’image numérique est stoppé dans son intentionnalité imaginative et abandonné aux portes de l’écran. La simulation du réel nous pousse à fonctionner comme dans le réel en même temps qu’elle réduit ce fonctionnement à son mécanisme de départ, remplaçant son prolongement (qui avait jusqu’alors lieu avec le corps) par un échange numérique mettant en absence la nature phénoménologique de notre imaginaire. Mais cet absentement ne signifie en aucun cas la disparition du corps qui, même solitaire et aveuglé par une posture dénaturée devenue machinale, reste présent devant la machine. Cette remarque nous a convaincus non seulement d’essayer dans un premier temps de redonner à ce corps solitaire les moyens plastiques de retrouver une intentionnalité phénoménologique perdue. Mais elle nous a aussi, à l’inverse (interactivité oblige), fait admettre que le modèle numérique matriciel s’était bel et bien éjecté dans le réel en soumettant notre sensibilité à un appareil unique opaque dénué de la matière transparente ; matière par laquelle l’imaginaire du spectateur pouvait jusqu’alors rencontrer l’imaginaire de l’artiste.

De la surface à l’interface, le corps avait beau devenir unique et isolé... Il restait ce rempart à partir duquel l’immatériel ne pouvait qu’être rattrapé par la forme tangible de l’appareil qui le sous-tend et qui allait pouvoir être remodelé, designé. Même enfouie dans le champ social et hors des musées, notre sensibilité, quel que soit son aveuglement, n’aurait pu faire l’économie de voir sa boîte à images s’accrocher dans le réel et par là même s’assurer de la consistance de notre corps dans l’espace (pensons au design des ordinateurs Mac).

Si les données anthropologiques sont désormais les seules dont nous puissions être sûres pour créer des formes plastiques à un âge où l’œuvre s’est dispersée autant dans le réel que dans les flux numériques, ce sont ces données que nous devons analyser. Entre la culture analogique (production-réception) et la culture numérique (l’appareil unique), le corps persistant demande peut-être à être reconsidéré en tant que moteur d’imaginaire. C’est à partir de lui que nous pourrons aller et venir entre deux finalités imaginaires différentes mais qui finissent toujours par reprendre leur source dans celui-ci.

Rappelons-nous de la méthode de l’anthropologie structurale : « on cherchera donc à découpler les cultures en éléments isolables par abstraction, et à établir, non plus entre les cultures elles-mêmes, mais entre éléments de même type au sein de cultures différentes, ces relations de filiation et de différenciation progressive que le paléontologiste découvre dans l’évolution des espèces vivantes. (...). Tout ce qu’on peut dire est que des fragments de développements historiques archaïques ne peuvent manquer de subsister ». La « mission de l’ethnographe » est « d’élargir une expérience particulière aux dimensions d’une expérience générale ou plus générale, et qui devienne, par cela même, accessible comme expérience à des hommes d’un autre pays ou d’un autre temps (...) l’histoire organisant ses données par rapport aux expressions conscientes, l’ethnologie par rapport aux conditions inconscientes, de la vie sociale (...). Si comme nous le croyons, l’activité inconsciente de l’esprit consiste à imposer des formes à un contenu, et si ces formes sont fondamentalement les mêmes pour tous les esprits, anciens et modernes, primitifs et civilisés -comme l’étude de la fonction symbolique, telle qu’elle s’exprime dans le langage, le montre de façon si éclatante-, il faut et il suffit d’atteindre la structure inconsciente, sous-jacente à chaque institution ou à chaque coutume, pour obtenir un principe d’interprétation valide pour d’autres institutions et d’autres coutumes, à condition, naturellement, de pousser assez loin l’analyse. (...) Il y a quelque chose qui se conserve et que l’observation historique permet de dégager progressivement, par une sorte de filtrage laissant passer ce qu’on pourrait appeler le contenu lexical des institutions et des coutumes, pour ne retenir que les éléments structuraux » Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Edition Plon, Agora, Pocket, 1958 et 1974, dépot 1985, Chap. Premier : Introduction, pp. 17-36). Le modèle anthropologique structuraliste s’appuie sur la linguistique structurale qui, dans le cadre de notre recherche, nous préoccupe peu. En tant que plasticien fasciné par le résidu d’anthropos à l’œuvre dans une informatique si virtuelle, nous oserons remplacer ce que Levi-Strauss appelle structures inconscientes de l’esprit par ce que Leroi-Gourhan appelle conditions physiologiques de notre comportement esthétique ou de notre style ethnique. A partir de là, la méthode qui consiste à ne plus se placer d’un point de vue historique (qui différencierait l’époque analogique de l’époque numérique) mais d’un point de vue anthropologique par lequel notre attitude devant les images, quels que soient leur nature et leur lieu, aurait des constantes irréductibles, nous convient.

Nous essaierons donc de reconsidérer notre comportement machinal devant le clavier et l’écran comme le point de départ d’une possible réactivation de notre imaginaire analogique, pour peu que nous voulions prêter à ce dernier une irréductible persistance dans le réel. Et cela même s’il nous reste à raccrocher cette persistance (qui n’a pas lieu avec l’image numérique mais tout autour d’elle) à des gestes informatiques qui en ont été séparés. Cette position, qui consiste à redonner une intentionnalité archaïque à une posture ultramoderne tournée vers le fantasme de son immatérialité, est celle d’un plasticien qui, à l’horizon d’un temps contemporain vécu comme « masse de tous les temps réunis » (Paul Ardenne, L’art à l’âge contemporain, Chap. 2. L’art contemporain ? Origines, balises, références, Paris, Edition du Regard, 1997, p. 33), verra dans l’anachronisme, au-delà d’un ultime recours, « un acte herméneutique d’appropriation » (Antoine Compagnon, Le démon du Contre temps, Anachronisme, Traverses, Paris, Edition du Centre Georges Pompidou, été 1992, p. 13).

Ce que nous cherchons à nous approprier, c’est l’observation et la mise en présence plastique de la marge de manœuvre que le corps peut adopter pour retrouver toute la force phénoménologique de son imaginaire face à l’imaginaire désincarné que lui propose l’outil numérique. Car si « la crise de l’analogie a été favorisée en outre par l’image numérique, (...), la virtualité elle-même réclame encore d’être raccordée à cette réalité dont elle prétend au demeurant s’affranchir (...). La prétendue crise du corps suppose une norme du corps naturel »( Hans Belting, Pour une anthropologie des images, Chap I : médium, image, corps, La polémique actuelle autour de l’image + L’image numérique, Paris, Edition Gallimard, Le temps des images, 2004, p.28-29 et p. 56). En effet, la totale dépendance de l’imaginaire numérique au corps interfacé rend urgent un regard anthropologique sur les images virtuelles, sans lequel il serait bien difficile de restituer au corps la valeur phénoménologique de ses gestes. Car, si l’espace virtuel se déploie à partir de notre adhérence physique à l’espace réel et si nos possibilités d’imaginer ne peuvent se débarrasser de cet enracinement, quand bien même celui-ci serait coupé de l’image simulée, alors il est impossible de ne pas ramener la matrice numérique ou l’atopos algorithmique à la norme du corps. Là où, du point de vue phénoménologique, la théorie du corps (ce corps en mouvement qui par ses empreintes appartient au mouvement du monde) est déjà une théorie de l’espace (cf. Merleau-Ponty), la théorie d’un espace-temps autonome du flux numérique est dépendante de son activation par son dehors analogique, qui n’est autre que l’espace-temps du corps percevant. Autrement dit, nous ne pourrons récupérer les potentialités imaginaires qui nous habitent, qui peuvent venir réactiver des postures informatiques qui en sont coupées, qui peuvent même venir transformer et déplacer la sensorialité de ces objets vers d’autres zones du corps (et donc d’autres horizons imaginaires s’ouvrant au cœur même du réel), qu’en passant par la compréhension de ce qui fait du phénomène imaginatif non seulement un mouvement mais aussi une norme. C’est en tant que mouvement et norme de ce qui l’entoure que le corps peut résister à son absentement et rester la seule zone de visibilité nécessaire à partir de laquelle le fait artistique pourra continuer d’habiter le monde.

A. L’ancrage de la norme anthropologique dans le réel

« Il adore ce corps de l’homme et de la femme qui se mesure à tout. » Paul Valery, Œuvres, Tome 1, Poésies Mélange Variété, Variété-Théorie poétique et esthétique : introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1894, Bibliothèque de La Pléiade, nrf, Paris, Ed Gallimard, 1962 (1er dépôt légal 1957), p.1178.

Même si cet esprit qui innerve l’artiste savant ne fait, selon Paul Valéry, « aucun effort pour passer de l’architecture cristalline à celle de pierre ou de fer », il est capable de retrouver « dans nos viaducs, dans les symétries des (...) entretoises, les symétries de résistance que les gypses et les quartz offrent à la compression (...) ou, différemment, au trajet de l’onde lumineuse » uniquement parce que la continuité des opérations intellectuelles lui permettant de penser la totalité du monde, cette « logique imaginative » (Paul Valery, Œuvres, Tome 1, Poésies Mélange Variété, Variété-Théorie poétique et esthétique : introduction à la méthode de Léonard de Vinci), s’articule à la continuité phénoménologique de son corps qui fait de tout ce qui l’entoure ( y compris lui-même) un tissu unique de perception. Toute modélisation scientifique du monde ne peut faire l’économie du corps qui en est l’instrument de mesure. Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’unité plastique de l’œuvre picturale, anatomique ou architecturale de Léonard de Vinci repose sur la dimension du corps. Comme toutes les pensées de l’homme, la vision classique ne peut faire l’économie du corps, qu’il s’agisse de la colonne phallique de la Grèce archaïque, des principes architecturaux de Vitruve ou de la statue (en grec se dit andria, image d’un être humain, comme nous l’avons déjà signalé). Mais l’œuvre mimétique, l’œuvre qui essaye de trouver idéalement la structure du monde (vision idéale de la combinatoire classique) ne peut s’avouer à elle-même qu’elle s’appuie sur cette réalisation de la forme (humaine) dans la matière. Cela serait invalider sa volonté de générer un rendu objectif du monde puisque notre corps percevant est embourbé dans la matière, et de là où il pense et de là où il voit, il lui est impossible d’être démiurge ou omniscient. Autrement dit, si notre corps est mesure de toute chose en tant qu’il adhère au monde, la réalité de l’œuvre nous échappe si sa structuration, fût-elle objectivante, n’est pas ramenée à sa chair qu’elle partage avec notre corps par le biais du mouvement incarné de notre imagination. C’est parce qu’en deçà de sa qualité objectivée de produit (le couple forme/matière de la tekhné), l’œuvre est chose, que sa norme anthropologique peut resurgir et constituer la référence explicite à partir de laquelle la construire et la comprendre. C’est parce qu’à la différence du moment classique, le moment kantien (critique de l’objet par le sujet) a déclenché le sentiment romantique de l’adhérence du corps à la nature, que la modernité artistique, forte des acquis successifs de ses penseurs (Baudelaire, Benjamin, Heidegger, Merleau Ponty...), a pu développer contre l’industrialisation sérielle de la marchandise, contre la figure économique de la grille, l’expression d’une grille d’abord faite de chair, d’une boîte débordant de corps.

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Après les vibrations corporelles géométriques de Mondrian, le Parallel Stress de Denis Oppenheim, les assemblages télévisuels anthropomorphiques de Nam June Paik ou Column et L. Beans de Robert Morris seraient des exemples significatifs d’un art contemporain (pensons aussi à la relation entre post-minimalisme et minimalisme, entre Hesse et Judd par exemple) ayant poussé jusqu’en sa formulation libérée du cadre, l’omniprésence de la norme anthropologique dans notre environnement (cf. Planche ci-dessus). Mais nous avons vu qu’à la différence du produit et de la grille analogique qui portent encore dans leur matérialité la plus capitaliste et standardisée (pensons aux boîtes Campbell d’Andy Warhol), la présence d’une force humaine de travail entraînant leur valeur d’échange, la grille numérique algorithmique ou le réseau atopologique de l’espace virtuel échappe à la dimension du corps. En outre, lorsque ce modèle mathématique en automouvement arrive à s’éjecter dans le réel en créant un tissu d’appareil informatique unique, c’est pour mieux soumettre le corps à une loi désincarnée des échanges et à une esthétique de la disparition. Au travers de sa forme tangible d’objet Design modelé par notre sensibilité, le bureau informatique manifeste cependant une certaine résistance de notre sensibilité à l’absentement que la machine lui impose. C’est comme si l’esthétique fonctionnelle du produit était, à l’heure du tout numérique et de la désertion des musées, le dernier maillon d’une époque analogique encore basée sur la consistance imaginative du corps quoique soumise à la fonction communicante et dématérialisante de l’appareil. Nous garderons de cette esthétique fonctionnelle uniquement son principe d’insertion au cœur de la fragilité de l’outil numérique. Cette fragilité matérielle prouve l’obligation qu’a le numérique d’apparaître dans le réel malgré son ouverture vers l’immatérialité. En ne gardant de cette esthétique que sa capacité à remobiliser au cœur du réel notre sensibilité activée dans sa posture mais anesthésiée dans ses visées phénoménologiques imaginaires, nous cherchons à redonner au corps une dimension de norme lui permettant de se réapproprier la sensibilité qu’il pose sur les interfaces.

B. Exploiter plastiquement les déplacements sensoriels du corps

La seconde interactivité : dans l’appareil communicationnel unique informatique, ce départ du corps, ce mouvement qui est la base même du déploiement phénoménal de l’imaginaire ne prend pas le chemin d’une vision qui serait fabriquée par notre corps imaginant, mais celui d’une transformation en langage programmatique qui lui échappe et qui remodélisera et simulera l’image analogique que nous voulions obtenir. L’artiste ne peut laisser dans l’image numérique son empreinte de même que le spectateur qui reçoit cette image ne peut y reconnaître le mouvement d’un corps. Il n’y a entre le geste et l’image finale plus de rapport motivé puisque s’est intercalée la vie du code binaire : notre imaginaire, qui par nature porte le rythme de notre corps, est neutralisé et modélisé. Cette modélisation uniformise notre comportement, lui renvoyant à travers des interfaces de sortie une image dénuée d’accidents et d’histoires corporels autres que simulés. Elle fournit à notre perception trompée une trace de mouvement simulée identique à celle que recevra n’importe quelle autre personne sur la planète. Les gestes de l’artiste laissent leur singularité aux portes de l’écran et d’une machine numérique capables de reconstituer et de modéliser, par le biais de logiciels de retouches d’images, l’apparence accidentelle des images. Réduits à des gestes qui jamais n’atteindront la texture de l’image, les mouvements du producteur d’images numériques rejoignent ceux du récepteur : ils sont tous deux confondus dans une posture mécanique soumise à l’automation du processus iconique numérique.

Là où l’image analogique assurait le passage de la singularité imaginaire de l’artiste à celle du spectateur, l’image numérique propose de mettre la singularité de notre corps percevant face à l’objectivité numérique d’un mouvement auto-engendré. Toute la question est de savoir si cette modélisation de l’empreinte provoque la modélisation du corps imaginant qui la perçoit (tout ce qui faisait la singularité de notre vie imaginaire serait remplacé par « un mode unique d’imaginer ») ou si, au contraire, le corps en mouvement est capable de retourner les empreintes réelles qu’il laisse sur l’appareillage informatique contre les images qu’engendre cet appareillage. Tant que l’œuvre était matériellement l’indice d’une transaction entre le corps de l’artiste et le corps du spectateur, il était possible d’y retrouver la grammaire plastique assurant cette transaction et définissant par là même un fonctionnement imaginaire (comme nous l’avons vu pour le toucher par exemple) entre deux corps. Or, l’image numérique posant le corps désormais unique face à la simulation des langages du corps (tel celui de l’image par exemple), le corps ne pouvant plus se projeter sur une empreinte dématérialisée sans laisser de côté sa singularité (pensons-nous aux touches de clavier que nous pressons ou aux manettes de jeux que nous manipulons singulièrement lorsque nous sommes face à une image numérique ?), assiste-t-on à la mort de l’imaginaire incarné, celui qui émane du corps singulier ?

Une chose est sûre : si l’imaginaire numérique modélise nos comportements puisqu’il ne convoque pas dans sa structure notre singularité corporelle mais qu’au contraire il pousse chacun des corps uniques à oublier cette dernière en pianotant aveuglement sur des claviers, il sollicite en revanche avec beaucoup de finesse nos sens du toucher et de la vue. Certes, qui observera un internaute en action verra à quel point le comportement du corps rivé à la machine est aveugle et s’absente de sa posture. Mais il verra aussi en même temps s’étaler au beau milieu du réel, dans cette posture mécanique et aveuglement détachée d’elle-même ou orientée vers des buts désincarnés, la nudité d’un corps qui ne se cache plus parce qu’il ne se regarde plus. Il est même frappant de voir à quel point, plus nous tapons vite sur un clavier, plus nous oublions ce corps qui bat pour nous plonger dans le sens tout dématérialisé que nous produisons. Plus la machine nous permet de nous absenter, plus elle mobilise nos capacités sensori-motrices. La machine convoque le mouvement de notre corps avec beaucoup de subtilité. Elle nous entraîne dans un rythme gestuel qui épouse le rythme de l’image à l’écran. Cela signifie que même si, à la différence de ce qui se passe dans l’œuvre, l’image numérique n’accepte pas en son sein l’expression de notre singularité corporelle, l’appareillage informatique s’est parfaitement usé des formes matérielles à partir desquelles il pourra attirer notre corps.

Avec les touches de clavier, par exemple, dont la forme épouse en creux celles de nos doigts, tout se passe comme si la machine appelait le corps à imaginer pour bloquer le processus imaginatif juste après son déclenchement perceptif et le reléguer à un mouvement mécanisée au service d’un projet numérique générique. Il n’en reste pas moins, que, comme un tableau ou une église, le clavier d’ordinateur reste un élément qui appartient à l’ordre très général du bâti et « bâtir (...) est toujours un moment de l’histoire, (...) bâtir se tient fort près du corps humain » (Alain, Les Arts et les Dieux, Vingt Leçons sur les Beaux-Arts, Première leçon). Les touches peuvent se caresser, s’effleurer. A l’hésitation d’une phrase ou d’une image numériquement retouchée correspond le survol des doigts hésitant à taper telle ou telle lettre du clavier plus ou moins fort. Il y a aussi le bruit, l’élasticité de la pression qui n’est pas la même sur le clavier d’un ordinateur portable...Le vocabulaire de la caresse n’est en tout cas pas loin. Peut-être, à l’instar d’une simulation numérique qui remodélise le mouvement de la vie, les appareillages qui accompagnent ce modèle et constituent sa transposition dans le monde extérieur au monde algorihtmique arrivent-ils à s’approcher au plus près de nos vie tactiles et visuelles. En tous cas, en réussissant à concilier la grille de touches que constitue le clavier avec la part d’aléatoire, la part vitale du mouvement digital qui la manipule, l’appareil informatique réussit bel et bien à pénétrer comme nous l’avions déjà évoqué précédemment, la morphologie de l’architecture sociale (la société étant constituée de corps communicants).

C’est certainement dans cet appel à la vitalité du corps du spectateur que nous devons nous glisser pour essayer de redonner à nos capacités imaginatives toute leur place et cela avant que le geste digital qui touche l’appareil ne soit asservi à la fonction de son dédoublement numérique. Fions-nous aux premières sensations de notre corps qui touche l’appareil. N’est-ce pas déjà le début d’une histoire imaginaire qui peut se déployer au sein d’un espace allant du réel au numérique ? « (...) le heurt, le frottement, la pression de mon corps sur les corps environnants complètent une scène imaginaire où rien n’est imaginaire. (...) Comment donc inventons-nous un chant, un profil, une courbe, un volume ? Non par la pensée méditant ou contemplant, mais par l’agitation de ce corps humain, que la moindre touche met tout en mouvement » (Alain, Les Arts et les Dieux, Vingt Leçons sur les Beaux-Arts, Première leçon et Deuxième leçon). Il s’agit de faire prendre aux gestes informatiques un nouveau départ respectant leur potentialité imaginaire singulière. Ces gestes rythmiques sont physiologiquement liés à notre capacité imaginative. Il paraît difficile, même avec la plus absorbante des machines simulatrices, de les couper de leur intentionnalité qui ne s‘enracine pas ailleurs que dans la singularité du corps lui-même (quand bien même l’intelligence artificielle de certaines de nos prothèses voudraient bien nous le faire croire).

Même si, au bout du compte, elle modélise notre mouvement imaginaire singulier, la machine numérique fait appel, dans sa forme en creux qui épouse harmonieusement notre corps, à la finesse de notre vie perceptive. C’est en exaltant notre sensorialité motrice qu’elle réussit à nous mobiliser, voire à nous tromper. A travers la forme-empreinte des interfaces qui mobilise la vie de notre corps, l’algorithme essaye de s’animer, d’aller chercher au plus prés possible de notre sensibilité, les éléments qui lui serviront à construire un monde simulé traduisant de manière de plus en plus détaillée le mouvement de la vie en valeur numérique.

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En reliant le mouvement réel de notre corps entrain de pédaler sur une bicyclette à un environnement numérique simulant un environnement tridimensionnel, L’artiste Jeffrey Shaw convie le spectateur à faire l’expérience d’une interactivité qui, en plus de solliciter notre toucher et notre vue, intègre la coordination entière de nos gestes cyclistes au dispositif interactif. Plus le spectateur pédale et oriente le guidon du vélo sur lequel il est assis, plus les dédales de la cité virtuelle qui se présente à lui varie d’échelle. Comme un jeu vidéo à l’échelle de notre corps, ce simulateur se rapproche de plus en plus de la vie puisqu’il relie l’écran numérique à l’objet bicyclette qui appartient à l’ordre analogique (l’ordre de l’adhésion du corps au monde) : l’interface informatique ou la prothèse numérique s’appuie sur la forme d’une prothèse analogique pour capter les mouvements que notre corps, en toute confiance, réalise habituellement dans le monde réel. Le dispositif de prothèse numériquement interfacée s’introduit de plus en plus dans les moindres recoins de notre grammaire corporelle.

Il en résulte une attention toute particulière à notre corps, là où paradoxalement la finalité de cet intérêt sera toute désincarnée (cf. Planche ci-dessus). A ce titre, l’exemple de la performance de Sterlac intitulée Third Hand et réalisée en 1992 est plus que probante : sous la forme d’une prothèse électromécanique reliée à son torse et à un de ses avant-bras, l’artiste, également couvert de capteurs numériques, voit, lorsqu’il bouge, se réaliser sur un écran numérique, l’image simulée en mouvement de son propre corps qui a désormais, dans cet univers virtuel, trois mains. Confronté au réalisme simulé de cette image, le corps nu de l’artiste se met à faire de curieux mouvements comme si cette troisième main virtuelle venait interagir sur les mouvements habituels de son propre corps. C’est comme si, après avoir investi la sphère des prothèses analogiques à travers laquelle déjà se réalisait une partie de nos comportements, l’ordre numérique arrivait à capter la pureté du corps nu en mouvement. C’est comme si, après avoir fouillé notre corps social, le dispositif informatique attirait dans ses rouages notre corps intime : si nous pouvons supposer que la manière de pédaler de tel ou tel spectateur, dans l’environnement interactif de Shaw, ne doit pas être très différente de celle de tel autre, nous pouvons par contre affirmer que chaque corps singulier est en droit de réagir, de bouger différemment lorsqu’il est happé et frappé de stupeur par la morphologie à trois mains de son doublon numérique (cf. Sterlac, planche ci-dessus).

En dépassant le stade des habitudes comportementales pour rentrer dans la singularité perceptive du corps imaginant singulier, en réussissant, par le biais de l’interaction homme-machine, à véritablement mettre le corps nu en position de créer un mouvement d’effroi (dans le cas de l’œuvre de Sterlac où l’artiste est surpris par cette troisième main), en faisant danser le corps, en mobilisant des sensations kinesthésiques (par exemple la proprioception : sensation propre aux muscles et aux ligaments), le modèle numérique ne fait pas que construire l’immatérialité d’un monde simulé. Il prouve, au contraire, que cette immatérialité non seulement s’appuie sur la réalité perceptive du corps propre mais qu’elle est surtout capable de réinventer son déploiement au sein même du réel perçu. Au départ centré sur le champ numérique, l’interactivité débouche à présent sur un changement du champ phénoménologique.

D’ailleurs, à l’image du passage de la première à la deuxième cybernétique (passage du contrôle et de la communication chez l’homme et l’animal à l’auto-organisation, les structures émergentes, les réseaux, l’adaptation, l’évolution), Couchot remarque que si la première interactivité s’intéressait aux interactions entre l’ordinateur et l’homme sur le modèle stimulus-réponse ou action-réaction (feed back), la seconde interactivité, celle d’aujourd’hui, s’intéresse davantage à l’action en tant qu’elle est guidée par la perception, à la corporéité et aux processus sensori-moteurs, à l’autonomie » (Voire à « l’autopoièse » concept de Fransisco J. Varela, Autonomie et connaissance, essai sur le vivant, Paris, Seuil, 1989). Face à une machine qui cherche à absorber la complexité de notre mode d’adhésion au monde, le corps ne pose-t-il pas justement, par des singularités anthropologiques et phénoménologiques « inaliénables », ses conditions : la machine numérique ne peut voler aux corps ses empreintes les plus pures sans qu’en retour le corps ne tire de son doublon simulé de nouvelles solutions anthropologiques ? Le corps n’est-il pas l’endroit par lequel l’algorithme trouve une formulation incarnée, une crédibilité au sein de l’espace humain qui, le plus planétaire et immatériel soit-il, n’en demeure pas moins solidairement ancré dans le geste tangible ? Sterlac a certes par la suite, lors d’une performance réalisée à Sydney en 1996 (Ping Body), bien connecté directement son corps au réseau internet, affirmant peut être par là que la nouvelle donne anthroplogique impliquait une communication désincarnée entre des corps réels, voire phénoménologiquement modifiés, mais unique et solitaire. Certes, l’échange numérique est la formulation d’un paradoxe entre la désubstansialisation des échanges et la nouvelle corporéité de l’internaute qui se trouve face à la réinvention concrète de ses postures sensibles. Mais la solitude du corps n’est-elle pas, après tout, la condition par laquelle il peut se redécouvrir, plonger dans la recherche de ses profondeurs sensorielles intimes ? « Alors qu’on nous annonçait avec l’ordinateur un art abstrait et immatériel, sans chair ; c’est un art des corps biologiques, des corps machiniques, et des corps à corps à travers les interfaces de la seconde interactivité qui naît » (Edmond Couchot pour une pensée de la transversalité, La seconde interactivité, dans « Dialogue sur l’art et la technologie » (autour d’Edmond Couchot).

Mais ce corps à corps se construit sur une nouvelle définition du contact : il ne s’agit plus de deux corps qui se touchent mais de deux corps uniques et solitaires qui se connectent sans physiquement se rencontrer : par le biais d’un échange générique, simulé et désincarné qui, dénué de véritables accidents, ne renvoie le corps qu’à lui-même, l’internaute est renvoyé à sa solitude en même temps qu’il peut découvrir dans ce nouveau miroir, les insoupçonnés territoires de la nudité de son corps imaginaire. Là où la machine numérique devait imposer notre absentement par le biais de notre soumission à un comportement machinal, ne s’est-elle pas prise à son propre piège : n’est-ce pas en effet la toute puissance de notre corps solitaire capable de dépasser sans cesse ses frontières qui oblige sans cesse la machine à redéfinir la validité de ses formes ? N’est-ce pas la possibilité d’un imaginaire uniformisé dans sa valeur d’échange mais singularisé dans son mode d’incarnation qui offre à l’œuvre de nouveaux territoires ?

Si les échanges numériques mettent plus que jamais en évidence que, même séparé de l’empreinte de l’autre dans le monde, l’imaginaire singulier du corps peut continuer de persister, encore faut-il pour cela que notre comportement singulier face aux matériaux informatiques soit revalorisé par rapport à la toute puissance des échanges numériques que ceux-ci engendrent ? Si l’imaginaire numérique générique se déploie à partir de l’imaginaire de l’individu dans son corps singulier, encore faut-il arriver à saisir cette richesse sensorielle avant qu’elle ne soit happée et instrumentalisée par l’algorithme. Encore faut-il arriver à substituer à notre perception de l’image numérique comme trompe-l’œil générique, celle de l’apparence simulée comme miroir ne renvoyant l’individu qu’à sa propre corporéité. L’image numérique a peut-être ouvert une brèche dans laquelle pouvait s’engouffrer son détournement artistique au cœur même du réel où perdure notre corps. Un des rôles de l’artiste contemporain n’est-il pas en effet de redonner à l’individu toute sa responsabilité imaginaire, celle qui émane de son corps, pour qu’il puisse restituer au cœur de l’échange, toute sa base anthropologique ? En impliquant de repartir de la norme du corps, cette restitution de l’imaginaire singulier du corps impose à l’œuvre une reconsidération sensorielle des objets informatiques, un ancrage qui entraîne une délocalisation des échanges virtuels de la sphère immatérielle vers le monde tangible. Il s’agit de remettre en valeur une matière d’échange entre des individus qui ont contracté sans le savoir, au contact du modèle générique, une nouvelle connaissance de leur corps.

Sensorialité : D’un point de vue physiologique, le dispositif osteo-musculaire est un « instrument d’insertion dans l’existence. (...) Le poids du corps est perçu par les muscles, il se combine avec l’équilibre spatial pour accrocher l’homme dans son univers concret et constituer par antithèse un univers imaginaire où le poids et l’équilibre sont abolis » (André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Tome II, La mémoire et les rythmes, Troisième partie les symboles ethniques, Chapitre XI les fondements corporels des valeurs et des rythmes, la sensibilité musculaire). Autrement dit, si l’interface tactile nous intéresse (pensons à la Machine à écrire de Claes Oldenburg), c’est qu’entre nos doigts qu’elle appelle et l’imaginaire qu’il est possible de construire pour résister à l’absentement que cette interface entraîne, notre corps a dû se déployer dans sa totalité. Là où, comme « une queue de comète », mon corps se focalisait sur mes mains (ma tactilité étant assujettie ou absentée vers l’immatérialité numérique), ma sensibilité tactile, dès lors qu’elle se retourne vers la dimension phénoménologique du corps propre, s’agrandit à l’échelle de tout mon dispositif sensoriel. Elle retrouve pour ainsi dire un « schéma corporel » qui fournit « un changement de position des parties de mon corps pour chaque mouvement de l’une d’elles, la position de chaque stimuli local dans l’ensemble du corps, le bilan des mouvements accomplis à chaque moment d’un geste complexe ».

Ce qui nous intéresse, c’est de voir comment cette « unité spatio-temporelle, inter-sensorielle et sensori-mortice » du corps (la main et sa position sont impliquées dans « un dessein global du corps » (Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Première partie : Le corps, 3. La spatialité du corps propre et sa motricité), une forme au sens de la gestaltpsychologie et y prennent leur origine) peut garantir, par l’intermédiaire du mouvement, un agrandissement de cette tactilité qui débouche sur le déploiement d’un imaginaire analogique jusque-là détenu par le champ de l’art. Car cette tactilité détournée du clavier et prenant phénoménologiquement une consistance imaginaire par le biais d’une forme que l’on peut toucher, cette prise de conscience d’une esthétique physiologique de la tactilité prend sa source dans le champ de l’esthétique fonctionnelle.

Comme l’explique et le problématise très bien Abraham Moles : l’art traditionnel réduit abusivement au regard (et à son immatérialité relative) l’esthétique universelle. (...). L’objet au contraire donne lieu à un contact sensoriel qui ne passe pas par les « sens du lointain ».... Il entre dans mon territoire (...). A l’époque de la copie innombrable, pourquoi ne pas rétablir l’appréhension par le toucher au rang qui lui revient dans la sensibilité. Le designer qui loge dans le champ d’une liberté esthétique, superposée à la fonction, le plaisir des yeux et du toucher, réalise bien un message artistique au sens où celui-ci s’intègre dans l’idée générale de la fonction . » Il faut « refuser la dichotomie entre l’oeuvre d’art et le flux vital (...). L’art au sens classique revient alors à être une sécrétion de la dissociation abusive de la fonction d’usage et de la fonction esthétique. Les musées sont devenus les cimetières des oeuvres après avoir voulu être des trésors de culture et les outils de diffusion. (...) L’objet de la vie réelle est sensualisé dans le quotidien. (...) L’image est immatérielle et l’objet matériel. Que sera une esthétique de l’objet à l’époque des immatériaux ? » (Abraham A.Moles, Vivre avec les choses : contre une culture immatérielle).

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A l’instar du réfrigérateur relié à internet ou des sièges de Martin Ruiz de Azua (cf.Planche ci-dessus), la tactilité est de plus en plus sollicitée dans notre quotidien. C’est comme si, effectivement, plus l’image numérique se développait, plus les objets qui nous entourent réclamaient du corps. Il n’en reste pas moins vrai que cette esthétique fonctionnelle, si elle a le mérite de réactiver la mobilité de notre tactilité dans le champ social, reste malgré tout collée à la fonction. Le plasticien retiendra donc de ce design qui convoque le corps sans toutefois quitter définitivement la fonction (et donc sans permettre à la sensibilité de se déployer totalement et librement), uniquement sa forme fonctionnelle.

Certes, comme Philippe Parreno (cf. Planche ci-dessus), il est possible de détourner des objets symptomatiques de la culture du réseau (comme des prises et des cordons électriques) en les installant en galerie pour inviter le spectateur à scruter, dès qu’il rentrera chez lui, tous ces fils qui parcourent son espace intime et dans lequel tous les jours il circule. Là où les cordons sont déconnectés de leurs fonctions dans l’œuvre, ils permettent en retour au spectateur de refabriquer le réel (Philippe Parreno, La fabrique du réel), un réel à la mesure de son corps, un réel qui reste celui que proclame l’art contemporain depuis les années soixante mais qui ne prend pas forcément en compte justement les conséquences de l’arrivée du numérique sur le traditionnel schéma artiste-galerie-spectateur.

Le fonctionnement de l’objet est la garantie de son immersion dans le champ du quotidien. Il est aussi la garantie d’une survie de l’œuvre d’art actuelle à l’heure numérique de la possible désertification des musées. Il faudra donc trouver le moyen pour que cet objet persiste tout en acceptant qu’il soit supplanté par la liberté imaginative du corps phénoménologique vis-à-vis de la forme. Partons de l’exemple que développe Leroi-Gourhan pour décrire la structure d’un objet esthétique fonctionnel : voici ce « trône de roitelet africain aux pieds en forme de personnages : les formes fonctionnelles y transparaissent à travers l’enveloppe figurative, décor d’inspiration végétale ou anthropomorphique, traduction directe de symboles liés au langage (une esthétique du décor que nous retrouvons d’ailleurs dans la nature : motifs des coquillages, peaux tachetées des animaux. Pensons au mimétisme que décrit si bien Roger Caillois dans « Méduse et compagnie »), (...) Qu’on dépouille l‘objet de cet environnement, il ne reste qu’une formule fonctionnelle, celle du siège propre à assurer un repos approximatif dans un maintien rempli de dignité. Le maintien dans une attitude digne est une conséquence de l’esthétique sociale, figurative d’un rang à tenir ; qu’on dépouille les deux sièges, il ne reste plus qu’à tirer le moule du personnage, à soutenir dans une position de repos assis pour obtenir un volume négatif qui matérialise la fonction pure » (André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Tome II, La mémoire et les rythmes, Troisième partie les symboles ethniques, Chapitre XII L’esthétique fonctionnelle). Or, plus que matérialiser la fonction pure, ce volume est l’image négative de la posture du corps. Si la fonction de l’objet était regardée non plus du point de vue de son sens mais du point de vue de sa forme ou plutôt de sa choséité, si la sensibilité du corps propre était désenclavée d’un fonctionnement pragmatique (s’asseoir pour se reposer, pour faire honneur, pour attendre...) pour se mouvoir librement dans un désordre imaginaire, alors nous pourrions envisager de reconstruire à partir de ce désordre une possibilité poétique.



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