Etudiants 2007-2008
 

Mémoire d’une disparition

transposition
boucherit matthieu


Boucherit Matthieu L3AP gr1 Année 2007-2008 Option création numérique

La place du corps numérique dans la réécriture du mouvement.

Prenant la question du corps face à l’autre, le numérique comporte en son sein cette notion de corporéité, celle-ci face à notre propre présence. Présence spectatrice ou acteur de l’objet numérique présenté. La réécriture du mouvement, idée de déplacement, peut être assimilée comme une action au sein même du système numérique. C’est le fait de redessiner, de créer un semblant de réalité dans ce corps numérique. Cela vient en amont de toute présentation extérieure, elle se trouve dans la création de l’objet même. Ou alors, c’est le rapport qui se crée entre le corps manipulateur et l’objet numérique. Il transforme un déplacement réel et le transpose dans un cadre virtuel. Les déplacements qu’il exécute fondent la réécriture du mouvement à travers le corps numérique. .Ce système pose alors de véritables questions, comme la place qu’il prend dans un monde matériel. Comment celui-ci, vient effacer les limites entre le réel et le virtuel, et surtout par cette transposition, devient - il objet de réflexion ? Le spectateur attend de l’œuvre un retour, elle doit le satisfaire en « l’incorporant en son corps » . Il doit être un art spectacle.

Comment un objet numérique peut il être assimilé à un corps réel ? Comment introduire la décision du spectateur comme principale trace et conclusion de l’échange entre l’ objet virtuel et l’objet réel. Alors, comment l’échange entre le corps numérique et le corps spectateur peut-il faire prendre conscience de cette transposition ?

La modélisation d’un objet réel crée numériquement, ne nous donne plus à voir une simple manipulation mais notre comportement face à celui-ci.Ceci gràce à un travail de traduction, de réécriture. Le corps numérique, porte en lui cette notion de « comportement » , l’attitude du spectateur face à l’appareil. La place du spectateur face à l’écran, permet de le faire se questionner sur sa manipulation et sur les enjeux de celle-ci. Cet artifice face au corps, sollicite la main au profil de l’optique, mais marque son passage par la trace de sa manipulation. L’empreinte, la trace du corps spectateur, doit être recréée dans un processus qui simule la manipulation d’un objet réel. La mise en action de notre corps et de notre regard sur l’œuvre, doit mettre en avant la résistance du corps face à l’appropriation de l’objet présenté. Entre media et intégration du media, la distance entre réel et virtuel se réduit. Notre décision doit être l’objet en question, l’œuvre donne au spectateur du recul sur son propre corps. Il se doit de considérer l’objet comme un corps unique, reconsidérer l’unicité de l’œuvre. Le spectateur ne peut alors donc pas se développer dans un espace libre de toutes décisions, où l‘on ne ferait que satisfaire son corps d’une appropriation supplémentaire.

Emboîtement /Réécriture /Traduction.

Pour répondre à la problématique de transposition du réel au virtuel , il faut recréer le système de manipulation d’un objet faisant partie de notre quotidien. Les gestes que l’on effectue sur celui-ci nous sont simples, et semblent désuets. Cependant il entre dans un processus mettant en scène notre corps, et le passage d’un état à un autre. D’une image à une autre. On revient sur son contenu sans se soucier de la trace que l’on laisse sur celui-ci. L’objet dont je veux faire référence est le livre, ou plus précisément un livre photographique. Il contient en lui la marque de notre société. Il présente son action, de page en page il est consommé, ingéré. Il présente le déplacement d’une chose à une autre. Tourner la page signifie son passé, son oubli. Cependant on peut toujours revenir sur celui-ci. Le redécouvrir une nouvelle fois. La réflexion sur ce phénomène engage de proposer un cas différent et inverser le système L’enjeu est alors de mettre en avant , dans cet objet sans aucune prétention , la trace de sa manipulation. De prétendre à l’unicité de l’œuvre, et de contenir en sa manipulation l’enjeu de sa découverte.

. Dans un premier temps j’ai réalisé un livre dans lequel est intégré à chaque page un dessin réalisé sur une surface sensible à la lumière. Ce qui signifie que lorsque l’on tourne les pages de ce livre, les dessins au contact de la lumière, disparaissent grâce au procédé chimique utilisé. Ces dessins ne peuvent perdurer que dans l’ombre, à l’abri de notre manipulation. Il fait état de 2 notions :retrouver l’unicité de l’œuvre, perdue depuis l‘apparition de la photographie et des techniques permettant la reproductibilité, l‘ère machine, mais aussi de mettre en avant le comportement du corps face à cette première notion . Une réflexion sur l’enjeu de notre appropriation du « Tout ». Les représentations qu‘il renferme, sont des portraits que la mort a fait disparaître. Le processus est filmé, page par page, les dessins sont alors détruits lors de l’enregistrement vidéo, faisant office de premier emboîtement :disparition dans la disparition. Le système présente ce qui est représenté.

L’objet numérique nous rend compte de ce phénomène en proposant la lecture d’un objet vidéo, reprenant l’évolution de l’objet réel. Il utilise le système vidéographique comme représentation et présentation de l’objet livre Cet enregistrement est alors la seule trace du livre utilisé, et des dessins qu’il contenait. L’objet numérique réalisé, ne contient pas un simple enregistrement linéaire de l’objet. L’enregistrement qu’il en a été fait se compose en trois temps, donc de trois vidéos différentes. La première, montre l’enchaînement des pages, de la première à la dernière, et la disparition des dessins. La seconde , est une lecture de la dernière à la première page, montrant les dessins déjà effacés. La troisième, est encore la lecture de la première à la dernière page mais montrant la marque de l’effacement des représentations.

La création numérique de l’objet livre, nécessite un chemin, une proposition, le calcul des différentes manières de consommer l’objet. L’objet numérique réagit à la manipulation. il doit donc reprendre l’action d’aller d’une page à une autre, de revenir en arrière... Nous pouvons manipuler l’objet numérique comme l’objet réel, revenir sur les pages précédentes, cependant l’enregistrement ne revient pas en arrière il continue dans le temps et nous ne possédons plus que la trace de sa consommation, la disparition de l’œuvre On met en route la vidéo pour chaque page on revient sur les pages déjà consommées non pas en rembobinant la vidéo mais en en déclenchant un nouvelle. C’est dans cette action que le décalage est important. Chaque vidéo est divisée en page. A chaque fois qu’une page de la première vidéo contenant l’effacement des dessins, est lancée, il n’est plus possible de la revoir. Il ne reste plus que la possibilité de revenir sur les pages précédentes grâce aux autres vidéos , qui ne contiennent que la trace de l’effacement. Le contenu du livre se vide de ses représentations. Le corps numérique a donc été l’outil des enchaînements nécessaires à l’accomplissement de la tâche.

L’objet se présente donc comme manipulable et changeant. Cette réécriture permet de croire à une réelle altération sur l’objet réel du livre. La manière dont nous est présenté ce corps numérique, crée une tension dans la compréhension de la manipulation. Notre corps acteur, se superpose à celui qui a été enregistré et au corps numérique, grâce au semblant de réalité retrouvé dans le geste donné à voir dans la vidéo. Le corps numérique présente un comportement. Il reprend les différentes manipulations réelles et les transforme de manière virtuelle. C’est l’artifice face au corps. On traverse donc l’image et on oublie son cadre. La simulation de la réalité par la vidéo, permet de traverser l’outil numérique et donne l’illusion d’un objet réel, qui évolue en fonction de notre décision. Le corps enregistré se superpose au corps spectateur , ce qui permet la continuité de notre corps, et nous inscrit ainsi dans l’image. Nous croyons à une réelle intervention physique sur les représentations mais elle n’est réelle que sur le contenu numérique. L’objet réel est déjà consommé, l’objet numérique ne fait que simuler une évolution. Dans la totalité du sujet se trouve plusieurs temps qui viennent se confondre et créer une tension et une mise en abîme du sujet. Il y a le temps de représentation (les dessins), le temps de disparition (enregistrement vidéo), les temps de manipulation (reprend la disparition, recrée numériquement),et la mémoire de l’objet, créant ainsi le principe d’emboîtement. Ainsi le travail de traduction permet de confondre les différentes représentations du temps. Présent de la représentation à considérer comme passé ( mort/disparition) Passé de l’objet considéré dans le numérique comme étant (manipulation)... L’objet déjà consumé est présenté comme objet à consommer.

L’objet numérique en reprenant les notions d’une réalité physique , permet de recréer un rapport personnel avec l’objet. C’est l’objet numérique qui nous est proposé à manipuler et non l’enregistrement. Le corps laissera sa trace sur l’objet numérique. La décision du spectateur détermine le contenu, ce qui restera de l’objet présenté. Contenu numérique, car celui de l’objet réel est déjà déterminé. C’est un système qui veut nous diriger vers la compréhension de l’enjeu, faire comprendre la manipulation et permettre à l’œuvre de retendre vers l’unicité, l’aura. Car l’objet questionne le spectateur sur son rapport à l’œuvre, doit-il nécessairement l’incorporer ou lui appartenir ? L’objet référent présente des images latentes , proposées dans la précarité de leurs découvertes. Le numérique le reprend ceci en sachant que si l’enregistrement des disparitions est mis en route, comme le déclenchement du processus chimique,on supprime la seule trace de ce livre et de son contenu.

Il ne restera que la mobilité, le mouvement, le transport,l’interface,l’empreinte de notre passage et le souvenir de ce qui était. On doit donc reconsidérer notre approche à l’objet, et la notion de corps « non programmé » face au corps « programmé ». Car le corps non programmé est le nôtre, cependant il l’est. Ici, la notion de résistance face à la manipulation est réduite car notre corps à été élevé par cet objet simple. L’objet est peut être donc voué à se vider de son contenu, comprenant en son système l’entropie du monde. L’objet incorpore, le drame de son utilisation, sa disparition.

Références :

Représentation du dernier souffle « Le dernier Portrait » Procédé chimique de la photographie Image en attente, considérée comme une image latente . Substance déposée comme un vernis, paradoxalement non conservateur, rend l’image instable, accélérateur de sa perte. Révélateur de sa consommation. Photographie, comme mémoire du sujet. « Du moment qu’il est photographié, il est mort » R. Barthes. Disparition/souvenir. Portrait Fayoum, ce corps pour exister doit rester secret, enfoui dans la terre. « A l’ère de la reproductibilité » W. Benjamin. « L’image précaire » J-M. Schaeffer. « L’ère du vide » G. Lipovetsky. Flescher, installation images précaires. Tirages photographique dans bains de révélation sous lumière inactinique. M. Duchamp, L’espace feuilleté. C. Boltansky, trace de la mémoire, traumatisme de l’holocauste. G. Metken, « fixation de traces »

Extension vers l’interactivité

Le projet, prend tout son sens dans la configuration d’une installation. L’objet numérique peut être manipulé seul, mais il ne fait pas prendre conscience de l’enjeu qu’il met en avant. Ayant l’habitude de manipuler l’outil numérique et l’objet réel du livre, la consommation de celui-ci ainsi que sa consumation ne peut être que totale. Il n’engage pas l’importance de sa manipulation, car l’objet numérique peut être considéré par le spectateur, comme reproductible. Celui-ci n’est alors pas suffisant à la réflexion que l’on doit porter sur notre décision . Cependant l’objet numérique n’est pas reproductible car à la fin de sa manipulation il sera vidé de son contenu, et il ne sera plus possible de revoir ce qu’il comportait. Alors comment montrer l’importance de notre choix, si ce n’est en présentant les effets sur un espace réel. L’objet numérique réalisé ne peut alors que servir un autre espace, celui d’une installation. Le processus est alors au service de la représentation et montre toute l’importance de son unicité.

Que cela soit dans le sujet des représentations que dans la manière de les présenter, l’installation que je présente reprend l’idée de boucle, d‘emboîtement. Le sujet des représentations s’installent dans une thématique de disparition. D’une part, la représentation du dernier souffle, présenté dans l’objet du livre, puis par la disposition de portraits à la manière d‘un mur commémoratif, présents dans la vitrine de l’installation. Les deux parties sont vouées a disparaître. Le processus chimique est une métaphore de la disparition, du souvenir, de la mémoire, de la trace. L’objet numérique et l’espace réel sont reliés et créent cette boucle. Le livre crée en amont, disparaît pendant l’enregistrement. Le processus est recréé numériquement. L’objet numérique est lui-même filmé lors de sa manipulation et vient faire disparaître à son tour un objet, une représentation réelle. La notion de décision est alors importante, car l’objet retranscrit dans le corps numérique , simule l’acte de faire disparaître mais ne fait que le simuler. Alors que cet objet numérique par sa manipulation vient à son tour faire consumer une représentation réelle.

Ce qui nous donne ; le livre déjà consumé, l’objet numérique à consommer, l’espace réel consumable. Réel enregistré, réel réécrit /simulé dans l’espace virtuel , réel en attente. L’installation se présente sous une forme très simple mais elle implique un certain nombre de choses. Si l’objet numérique vient à être manipulé, en même temps que les pages de celui-ci soit tournées, une camera filme. C’est la vidéo d’une vidéo. Ce qui est enregistré est envoyé sur un moniteur qui calcule les changements d’intensité. L’intensité peut être comprise comme métaphysique. Variation lumineuse mais aussi au sens sensible. Chaque page, chaque représentation du livre, représente un degré d’intensité. Celui-ci correspond à l’ampoule d’un module de la vitrine. Dans ce module ou un verre inactinique empêche les rayons lumineux de passer, du liquide révélateur immerge une photographie ainsi que l’ampoule. Celle-ci, est reliée a un système qui change des données numériques en information électrique. Alors chaque variation, allume une ampoule qui fait se surexposer l’image photographique. Le fait de manipuler l’objet numérique d’une part fait disparaître une de ses images, mais parallèlement une photographie de l’installation, qui au contact de la lumière (ampoule) et du révélateur qui l’entoure vient a disparaître. L’objet virtuel agit sur la représentation réelle. Pour que la représentation continue à exister, la présentation, le processus ne doit être manipulé. Alors, l’ensemble crée une boucle, l‘emboîtement des fragilités. Fragilité du corps, voué à la disparition. Fragilité des représentations. Fragilité du monde face à notre intervention.



Forum de l'article


administration - contact - site réalisé avec SPIP